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Les interviews

Jordi Galí, chorégraphe de la compagnie Arrangement Provisoire

Interview pour le livret de bord février-juin 2022

La parole à Jordi Galí, chorégraphe de la compagnie Arrangement Provisoire

Le Fourneau et le Quartz s’associent pour soutenir votre nouvelle aventure artistique, l’occasion de vous inviter à venir travailler à Brest et de présenter votre démarche artistique aux brestois. Vous décloisonnez la danse par son frottement à d’autres disciplines, notamment l’architecture et les arts plastiques. Racontez-nous votre recherche et les enjeux développés par Anima ? 

Commencer par le début serait de dire que je suis danseur… J’ai démarré la pratique de la danse enfant, puis conservatoire à 16 ans et tout de suite intégré à Barcelone (d’où je suis originaire) une compagnie professionnelle. Départ à l’étranger en 1999 pour rejoindre des grandes compagnies de danse belges à mes 19 ans (Wim Vandekeybus) et 22 ans (Anne Teresa De Keersmaeker), pour atterrir en 2005 à Lyon chez Maguy Marin. Une pratique intense d’interprète laisse beaucoup de traces, et une des tâches les plus importantes du chorégraphe que je suis devenu depuis a été de défaire, transformer, dévier l’impact intime que leur travail laisse en moi.

C’est par et avec l’objet, le travail avec la matière en relation au corps, qu’un nouveau champ de pratique s’ouvre. D’abord très secret et tâtonnant, il s’affirmera au fur à mesure des expériences, des créations. D’ici naît Arrangement Provisoire en 2007, que je codirige depuis 2012 avec la danseuse et chorégraphe Vania Vaneau. Le geste me permet de renouer avec quelque chose de plus ancien que ma pratique de la danse, une fascination enfantine pour les jeux de construction, une tradition familiale aussi.

Chaque création explore une hypothèse, combine différemment geste, matière et regard du spectateur. ANIMA proposera un format court et très monumentale à la fois, qui pose au centre le mouvement de la matière, le souffle qui l’anime. À la manière d’une marionnette géante manipulée par six interprètes et accompagnée par le son de deux cornemuses en directe, cette création s’inspire de l’arbre et des traditions catalanes de constructions humaines traditionnelles.

Dans le processus de création d’Anima, pouvez-vous nous préciser les objectifs de cette résidence à Brest ?

Avec ANIMA , nous nous confrontons à un édifice instable qui se construit et déconstruit en directe, atteignant à son sommet une hauteur de 17 mètres. Les enjeux techniques sont immenses et demandent à être dépassés pour que la présence et action des interprètes soient simples. D’abord par la maquette puis par le prototype, nous avons cherché à comprendre son fonctionnement. Nous sommes aujourd’hui en train de découvrir la construction finale, ses secrets et ses dangers. Brest sera pour nous un moment double, de réflexion technique et des premières manipulations à grandeur nature. Ainsi que de confrontation de la grandeur de la structure avec la sensibilité d’Erwan Keravec et du son de sa cornemuse.

ANIMA choisit de donner une place à la création musicale. Comment votre rencontre avec Erwan Keravec est-elle venue nourrir votre réflexion sur cette création ?

Au cours du processus de création, il m’a semblé important de donner une place au son, et plus précisément à la cornemuse. Depuis plus de 10 ans, je travaille avec/dans le contexte sonore où se déroule la représentation. C’est le choix que j’ai fait en commençant à travailler dans et pour l’espace public, en dehors des plateaux de théâtre. L’enjeu est pour moi de créer un contexte où le spectateur peut redécouvrir un espace par l’attention renouvelée qu’il y porte, par la communauté éphémère qu’il génère, par la station sensible qu’interprètes, espace et public produisent ensemble.

Quelque part je crois qu’avec ANIMA je décide de faire un pas de côté, en réduisant la durée de la pièce et en proposant à Erwan Keravec de venir animer l’œuvre, lui donner son souffle, accompagné d’une deuxième cornemuse. Il me semble qu’ici l’enjeux est de partager une émotion et un temps communs et collectifs. De confronter ensemble l’apparition et la disparition d’un geste sensible. Et la tradition des castells catalans, que j’ai pratiqué adolescent, sont pour moi un canevas dramaturgique important.

En parlant du projet, plusieurs personnes m’ont mis dans la direction d’Erwan. La rencontre s’est faite finalement avec beaucoup de simplicité. Au-delà de son talent musical, Erwan a eu une vraie curiosité pour découvrir et comprendre le fonctionnement de l’œuvre. Je crois que le rôle de la musique, la place donnée aux musiciens, sera cette fois principale, protagoniste.

Avec le genre de la performance, ANIMA se rattache à une double tradition, à la croisée entre les arts vivants et les arts plastiques. Pouvez-vous nous éclairer sur le rôle que joue l’art contemporain dans votre inspiration ?

J’ai commencé en parlant de danse, et c’est malgré tout dans cette discipline que je m’inscris. Parler d’art contemporain me semble faire fausse route, je n’en ai pas la prétention, les enjeux sont ailleurs. Vaste discussion que celle des étiquettes, elles ont évidemment leur rôle à jouer pour éclairer, faciliter l’accès, inviter, donner du courage aux spectateurs, au public, à ceux qui se sentent loin de l’offre culturelle et artistique.

Je pourrais dire que mes outils sont ceux de la danse : espace, temps, présence, rythme, coordination et écoute, geste et mouvement, effort… Mais le fond de la question est sûrement ailleurs. Nous cloisonnons pour comprendre ce que nous sommes en train de voir ou d’écouter, mais la clé est le déplacement que le spectateur s’autorise pour percevoir une autre dimension de la réalité, shift qui peut lui permettre de penser autrement le sens d’un mot, dévier son regard vers la marge, écouter autrement un son et attribuer différemment une musicalité. Le spectacle vivant nous raconte aussi un rapport au temps et à soi, à l’éphémère.

Nous les artistes, sommes devenus des experts qui proposent des manières de réaliser ce détournement, des modes d’emploi qui atteignent facilement leur limite. Regarder et percevoir le monde autrement est émancipateur, et -malgré toutes les peurs- à la portée de toutes et tous. L’art n’est qu’une méthode parmi d’autres.

crédit : Jean Rochereau

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