Nicolas Vercken, auteur-metteur en scène de ktha compagnie
Interview pour le Livret de bord janvier-juin 2020
crédit - ktha
- Pour Demain arrive, une nouvelle structure rejoint les différentes scénographies de la ktha compagnie. Comment en êtes-vous arrivés à imaginer ce gradin roulant ? Comment l’imaginez-vous en espace public ?
C’était pendant une sieste, pendant la construction du gradin circulaire de (nous). Un truc comme une illumination, un sursaut, le truc qui te réveille d’un coup et tu te dis bah oui, bien sûr ! Et tu griffonnes un pauvre schéma moche sur le dos d’un flyer et tu l’expliques aux autres et tu vois bien que ça marche en les regardant réagir… Anecdote mise à part, je crois qu’on est un peu piégés maintenant, après le container, après les 2 containers l’un au-dessus de l’autre, après le gradin dans le camion qui roule, après le petit cercle qui se rapproche, on est un peu obligés de trouver un truc nouveau pour le prochain…
Plus précisément, on s’est mis à développer presque malgré nous, du moins sans le théoriser au départ, un théâtre de dispositif. C’est-à-dire qu’en même temps qu’on se pose la question du texte et de la mise en scène, on se pose celle du dispositif dans lequel on veut placer le spectateur. Et donc, quand on se met à réfléchir autour d’un nouveau spectacle, la question de ce dispositif est essentielle. Qu’est-ce qu’il voit, le spectateur, qu’est-ce qu’il vit ? Et ça tourne dans la tête avec une ou plusieurs idées de texte, avec des fantasmes de chorégraphies, avec des choses qu’on aurait à dire, avec nos obsessions. Ça réfléchit beaucoup, esquisse, délire, mélange. Et ça ressort des fois comme ça, d’un coup, au milieu d’une sieste.
Ce gradin qui tourne sur lui-même, on l’imagine posé sur une petite place, entre la pharmacie et la poste, ou le bureau de tabac et l’épicerie, l’air de rien, posé comme pour l’arrivée de la course cycliste, le concert de la fête de la musique, ou le spectacle des enfants. Il cache un peu sa rotation à venir, même si on se doute bien, si on regarde bien, qu’il y a un truc louche, avec cette manivelle sur le côté...
- Quelle est l’histoire de cette nouvelle création ? Pourquoi avoir choisi cette histoire ?
Il y a plein d’histoires dans Demain arrive (je suis une autre toi), contenues dans une seule. Celle d’une jeune femme, poursuivie par des hommes, qui traverse l’autoroute pour leur échapper et qui se fait percuter par une voiture. Et qui meurt, là, dans les bras d’un des hommes qui la poursuivaient. L’homme est policier. La femme vient d’ailleurs et cherche à aller en Angleterre. L’homme lui demande son nom, et elle refuse. C’est une histoire vraie, qui a eu lieu, ici, en France, il y a quelques années. Elle ressemble à beaucoup d’autres, qui nous agitent, qui nous hantent parfois. Et ce spectacle est l’occasion de raconter cette histoire-là et de raconter son refus de donner son nom comme une victoire. Et à partir de là, raconter des possibles, des espoirs, des luttes, se donner du courage.
- Dans les spectacles de la ktha, les ’’postes’’ de comédien sont interchangeables. Pouvez-vous nous en dire plus ?
C’est une manière de faire que nous développons depuis des années, que nous précisons au fur et à mesure de nos spectacles. Chaque acteur est prêt à tout jouer, connaît l’intégralité du texte et peut prendre un relais dès qu’il le faut, dès qu’il le décide. Il n’y a pas de rôle défini, mais une série de protocoles qui régissent les interactions sur scène. Comme une grille d’improvisations très précise qui laisse chaque interprète libre de créer. À l’intérieur de cette grille, l’acteur peut construire comme il veut avec le texte, ses partenaires de jeu, les spectateurs, les passants, les aléas de l’espace public…
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