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Les interviews

Pascal Dores, metteur en scène de la compagnie Métalovoice

Rencontre avec Pascal Dores, metteur en scène de la compagnie Métalovoice. Entretien réalisé lors du Mai des Arts dans la Rue, à Sainte-Sève, le mercredi 28 mai 2003.

Des Tambours du Bronx à Métalovoice

Les Tambour du Bronx, c’était une forme vachement volumineuse. On voulait faire de la performance. On s’est laissé dépasser par nos propres moyens, c’est tout con. Dès la première répétition, en 1986, dans une maison de quartier à Nevers, nous étions 24 à exercer une pression musculaire à l’aide d’un ustensile sur de la frappe métallique. Ca nous a vite paru naturel que notre univers se développe à l’extérieur, c’était une nécessité sonore ! Dans les Tambours du Bronx, il y avait quelques indépendants, des singuliers, des gens qui faisaient du théâtre, de la musique et d’autres qui faisaient complètement autre chose. Ca s’est fait très simplement, on en fait toute une histoire aujourd’hui, c’est une histoire simple avec des gens simples.

Partis d’un univers de performance, on avait inventé une sonorité, une espèce de mouvement, de phénomène de rébellion et d’images nouvelles. Les années passant, des petites choses ont fait que je ne me retrouvais plus dans cette histoire, et moi parmi plusieurs autres. On a créé les Métalovoice. En 1995, première création, DO HIT, spectacle à la charnière des Bronx et des Métalos. Le concept était de créer un concert-spectacle avec des notions de mise en scène, en intégrant des textes, un scénario, une lumière, bref de raconter une histoire.

Avec les Bronx, nous avions imaginé une idée rythmique, une certaine uniformité sonore. La mélodie rythmique est apparue avec l’utilisation de nouveaux volumes, partant du tuyau en passant par des petits bidons, des plus gros, des cuves, des méga cuves … D’un seul coup, nous avions une sonorité industrielle, la récupération de ces objets nous portait vers des mélodies minimales et minimalistes, et qui tournaient musicalement. Nous avons apporté de la musique au rythme.

Le mot « Attention » semble être récurrent chez les Métalos …

Il est même à l’origine des Tambours. « Attention, on existe, nous avons notre propre culture, des choses à dire et à défendre », c’est en effet un leitmotiv dans notre histoire. Mais ce mot est trop concentré, et c’est minimiser notre propre histoire, la forme a beaucoup changé, le propos, l’argumentation, et le développement aussi.

L’art doit être une nécessité …

Peux-tu définir alors cet « Engagement Artistique » …

C’est une forme de réflexion sociale et politique au service de l’art. L’art doit être une nécessité, qui doit fondamentalement bouleverser. L’art n’est pas quelque chose de gratuit que l’on apprend dans les écoles. On apprend ! On apprend des formes, des tendances de l’histoire, mais on n’apprend pas à faire. Et le Faire, c’est notre pratique, ça nous connaît au sens propre et figuré du terme. C’est quelque chose qui résonne à la fois dans le son, et dans une histoire, passée et future. Le fer, pour moi, c’est notre histoire. A partir du fer, on a fait notre histoire, à partir de l’évolution même de l’industrie on a fait notre histoire.

L’industrie, elle existe. Ce n’est plus l’industrie de Zola comme on a pu plus ou moins l’exprimer il y a quelques années dans nos créations. Aujourd’hui, l’industrie a des formes très complexes, très contemporaines. Ce ne sont plus les rouages, les mécaniques comme on pouvait les entendre au début du siècle. A la création des Métalos, on se disait « l’industrie va se terminer avec la fin du siècle, on va arrêter les Métalovoice parce que ça n’aura plus lieu d’être ». On s’est trompé. L’industrie a évolué, a changé de formes. On passe des cheminées imposantes en briques au cœur des cités, à des industries bardées de verre et d’aluminium cachées en périphérie des villes. Mais à l’intérieur, il se passe presque la même chose. On a troqué le bleu de chauffe pour des blouses blanches. On change la forme mais le fond est exactement le même, exploitation, abrutissement, répétition, c’est toujours pareil ! L’aliénation de l’individu est liée à cette machination perpétuelle de l’industrie. Nous réclamons d’autres nécessités.

« La poésie est notre devenir, l’industrie est notre origine … »

On est séduit. C’est merveilleux l’industrie, regarde-toi, t’es tranquille, t’as ton matériel, tu mets ça sur le web, c’est super, ça c’est l’industrie nouvelle. La poésie est notre devenir, l’industrie est notre origine. On baigne dans l’industrie, c’est bien dommage, j’aimerais bien baigner dans autre chose. Quand je vois les Métalos, Pox, Pogo, Jol, tout le monde est issu de l’univers industriel, que ça soit les mines, la sidérurgie, les ateliers SNCF, nous sommes tous des enfants de l’industrie. Si les Tambours du Bronx sont nés, c’est parce qu’on vient tous d’une cité cheminote. On a été baigné dans un univers fait de sirènes appelant les ouvriers, par des locomotives … On a été baigné par cette sonorité là, et on n’avait surtout pas envie d’y adhérer. Mon père a essayé, ça ne m’intéressait pas. Il y avait à la fois une séduction, quelque chose de fort, et en même temps, j’avais envie d’avancer pour moi.

Quel rapport établis-tu avec le public, et avec l’espace ?

Je ne sais pas, à la limite, ça ne m’intéresse pas. Je ne cherche pas un rapport avec les gens. Je cherche avant tout à exprimer ce que je ressens. Le seul rapport que je pense avoir en ligne de mire, par rapport à nos objectifs artistiques, c’est de mettre du sens dans l’espace public. Installer un propos artistique, politique, scénique. La notion de place est importante pour moi. On ne vient pas là pour seulement dire, « on fait du spectacle, de la déambulation … ». Je trouve que la place publique, celle que l’on a pour habitude de pratiquer dans nos traversées, est une place qui a été privée de son espace de liberté, de discussion, d’agora, au sens initial de la place, là où l’on venait parler, dialoguer, échanger des propos, débattre, se confronter, se titiller politiquement, intellectuellement … La télévision nous a permis de nous calfeutrer, de nous enfermer. Il faut redonner à la place publique son sens initial, celui d’Agora, qui provoque une cascade de sentiments, d’émotions, de réflexions par rapport aux propositions artistiques. Pour moi, la forme artistique doit permettre la réflexion, la réaction, sinon, ça n’a aucun intérêt, si c’est pour faire de l’animatoire, faire du beau … J’aime les choses qui questionnent, qui bouleversent, déplaisent. On est là pour raconter notre histoire, notre point de vue.

Y’a t il un lien entre La Presse et Fragiles ?

Ca n’a rien à voir. La Presse donnait l’impression d’un super gros gâteau à trois étages. Fragiles, c’est quelque chose que l’on voit, que l’on entend, que l’on peut toucher. Il n’y a pas cette distanciation qu’on avait avec La Presse, de par le monument qu’on présentait, je me suis senti un peu dépassé. J’avais envie de retrouver une dimension qui était plus la nôtre, même si ça reste imposant. J’avais envie de retrouver cette façon d’être palpable.

Vous intégrez aussi des comédiens de métier …

On a toujours basé notre travail sur l’interdisciplinarité, sur le fusionnement des disciplines artistiques. On travaille la danse. Je veux que la danse, que le corps raconte l’histoire de la création, de la fragilité. Que peut-il nous dire, nous énoncer ? Même travail pour la musique, l’instrument, la voix, le texte … Autant d’éléments singuliers …

Parfois le propos est complètement singulier …

Chez Métalos, c’était paradoxal … On a toujours parlé de l’individu …(silence)… et on n’a jamais laissé l’individu parler. On a toujours été dans une espèce de collectif, où l’individu était relégué au profit d’une puissance massive, et par d’autres individus qui adhéraient au propos. Mais non, parfois le propos est complètement singulier. Quand on est touché par l’exclusion, par je ne sais trop quoi, on est touché, et seul. Cette solitude est importante, et elle a besoin de s’exprimer à travers ces pôles artistiques que nous développons dans Fragiles, la parole, le geste, la musique, la vidéo …

Je crois que mon cheminement, sera toujours le même.

Finalement, ce mot, ce spectacle : « fragile », englobe l’état d’esprit des Métalovoice aujourd’hui, est-il une réminiscence ?

Se dire : on se trompe. On se trompe, ce n’est pas possible ! On ne peut pas, nous, avec les qualités intellectuelles que nous avons, nous tromper dans cette direction. Nécessairement on se trompe ! On mérite mieux, on n’a pas toute cette intelligence, toute cette faculté à s’émouvoir, à regarder, à s’interroger sur ce monde pour être où on en est. C’est ridicule ; ridicule. Quand tu vois aujourd’hui l’état actuel de notre civilisation, tu ne peux pas être heureux et te dire « Putain, quelle belle civilisation ! ». Nous n’avons aucun phare. Tous les phares sont des phares obscurs, des rideaux se tendent à quelques centimètres de nos yeux. On ne nous ouvre aucune perspective, je ne veux pas croire à ça. Je ne veux absolument pas croire à ça. On mérite mieux !

Pour le mériter, il faut que l’on se questionne, individuellement, sur le propre sens de ses perspectives et de son rapport à la vie. C’est un questionnement que j’aurai toujours.

Je ne donnerai pas de réponses à ce questionnement en une création.

Je le donnerai dans une multitude de créations qui vont je l’espère se perpétuer dans le temps

Et j’aboutirai peut-être à une somme de questions et de questionnements et à la fois sans donner de réponses.

Je crois que mon cheminement, sera toujours le même.

Pascal Dores, entretien à Sainte-Sève le Mercredi 28 Mai 2003- kevinmorizur©lefourneau.com

photos : ©lefourneau.com

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