15 femmes de 9 à 94 ans avec Les Arts Oseurs : rencontre autour du spectacle Les Tondues
Mardi 29 août 2017, dans le cadre des Rias
Mardi 29 août à 18h02, 15 femmes de 9 à 94 ans se sont retrouvées au gymnase Brizeux de Quimperlé. Chacune d’entre elles a répondu à l’appel de la compagnie Les Arts Oseurs pour former "le choeur de femmes" et participer à leur dernière création, Les Tondues, qui est joué au festival Les Rias le jeudi 31 août et vendredi 1er septembre.
Périne Faivre, co-fondatrice des Arts Oseurs, accompagnée de Maril Van Den Broek et Murielle Holtz qui jouent dans le spectacle et Clarice Flocon, régisseuse, Julie Levavasseur, administratrice et Maïa Jannel, chargée de production, nous invite à prendre place en cercle dans la petite salle du gymnase. Elle nous présente tout d’abord le cheminement qui l’a amenée à s’intéresser aux femmes tondues et à créer ce spectacle "qui tente de comprendre ce qu’il s’est passé parce que c’est notre histoire et que parfois l’histoire recommence".
Pour comprendre l’histoire et les silences qui pèsent autour de ces 20 000 femmes tondues en France, et celle des millions de personnes qui y ont assisté, elle a réalisé pendant trois ans une véritable enquête en se plongeant dans des archives, en parcourant la France à la recherche de témoignages.
Mais au delà du spectacle, c’est avant tout un moment d’échange, de partage, qu’elle souhaite créer lors de cet atelier, parce que dans notre société occidentale "il n’y a pas beaucoup d’espace pour ces moments entre femmes".
Nous nous présentons les unes aux autres, et évoquons ce qui a pu nous amener à cet atelier : "toujours partante pour une aventure théâtrale", "envie d’approfondir un tel sujet sensible", "particulièrement investie dans la défense de la condition de la femme"... Les motivations sont variées. Une des participantes nous parle de la mère de sa camarade de classe qui a été tondue. Elle se rappelle avec émotion "des hommes déchaînés autour d’elle". Et la doyenne du groupe, qui a toujours vécu à Quimperlé, a vu sa meilleure amie se faire tondre. Elle nous parle des places publiques sur lesquelles se déroulaient les tontes, et des femmes qu’elle a vu défiler la tête haute en portant des turbans. Ces femmes étaient tondues "pour rien parfois, par vengeance des garçons, et même parfois par jalousie d’autres femmes...". "Les lapideurs sont toujours des deux genres", confirme une autre participante.
"Et vos cheveux, c’est quoi pour vous ?" Telle est la question de Périne, qui s’intéresse au rapport comme au non-rapport que chacune d’entre nous entretient avec ses cheveux. Pourquoi avoir tondu des femmes, à une époque d’après guerre où la France tente de "se reviriliser" ? Quelle est la force symbolique que peuvent bien posséder les cheveux ?
A tour de rôle et grâce à l’ambiance intimiste installée par Périne, nous confions nos histoires de cheveux qui nous amènent à raconter des moments personnels de nos vies.
Pour certaines, couper ses cheveux et les porter court a pu être une libération à un moment marquant de leur vie. Changer de coupe pour tourner une page, que ce soit après une rupture ou un évènement difficile. Chacune évoque les colorations ratées, les permanentes comme les lissages, la difficulté à cacher ses premiers cheveux blancs puis la fierté de les assumer.
Alors qu’elle vivait au Vietnam, une femme du groupe s’est tondue les cheveux par acte politique en solidarité au peuple Hmong. Une autre parle de sa souffrance à avoir des cheveux roux étant jeune, puisqu’on considérait les gens roux comme les "enfants du diable" à son époque.
Une autre a perdu ses cheveux suite à une maladie, elle qui était tant attachée à sa longue chevelure. Elle se remémore les premières semaines difficiles sans pouvoir supporter de se regarder.
Après ce moment d’échange riche en émotions, une collation est partagée et les discussions s’enchaînent autour des histoires de chacune. C’est dans la cour que nous formons ensuite un nouveau cercle, et que nous sommes rejointes par Renaud Grémillon, musicien, et son piano à queue mobile, ainsi que par Mathieu Maisonneuve, comédien et danseur dans le spectacle. Retranscrire des mots en gestes ou en dansant, échanger des contacts visuels comme physiques : Perrine nous guide et Renaud nous accompagne musicalement.
Murielle Holtz nous apprend ensuite le chant que nous reprendrons toutes en chœur à la fin du spectacle. Une façon de transformer "un rituel morbide et terrifiant en rituel chantant de femmes de toute couleur, de tout corps, de tout cheveux".
L’atelier aura duré plus de trois heures. Trois heures pour se découvrir, se confier, partager. Trois heures entre femmes.
Depuis la création du spectacle, les Arts Oseurs ont rencontré 135 femmes, de tous âges et horizons. C’est donc maintenant 150 femmes qui ont vécu avec eux cet échange et les représentations du spectacle qui s’en sont suivies.
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